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Et Si Tu Te Trouvais Un Boulot ? Envoyer
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Le couperet est tombé, net, précis, même pas balancé pour faire mal mais simplement comme une dose de vérité bonne à dire.
- Pourquoi tu ne travaillerais pas ? Un boulot à mi-temps, peut-être ?
Mais qu’est-ce qui m’a pris de l’ouvrir ? Mais qu’est-ce qui m’est passé par la tête le jour où j’ai pesté contre Hermine qui ne pouvait pas déjeuner avec moi car on lui avait changé son emploi du temps à la dernière minute ?
Et Hugo de se foutre de moi, qui n’ai rien d’autre à penser que de tester les nouveaux endroits à la mode avec mes copines.
Et le voilà qui remet l’idée de travailler sur le tapis. Il ne manquait plus que ça !
- Mais qu’est ce que tu crois ? Moi j’aimerais bien travailler, mais qui va s’occuper de tes enfants ?
- Ils ne vont pas déjà à la cantine et à l’étude, les enfants ?
- Et les vacances scolaires, tu y as pensé ? On ne risque pas de les expédier à Miami chez leur mamie !
- Tu as raison, chérie. Travailler et avoir des enfants, on n’a jamais vu ça. C’est pas compatible !
Je quitte la pièce en claquant la porte. C’est la seule échappatoire digne que j’ai réussi à trouver sur le moment.
Depuis quelques semaines, le torchon brûle un peu dans la maison du bonheur. Mon mari s’est vu proposer, pour la seconde fois, de prendre la direction de leur future succursale en Espagne. Moi, je campe sur mes positions et soutiens mordicus qu’on ne bougera pas de Paris.
Hugo a rallié les enfants à sa cause, et tout ce petit monde roucoule d’aise en s’imaginant bouffer des churros 24h sur 24.
Ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre l’Espagne, mis à part la langue que je ne comprends pas, Pénélope Cruz (y manquait plus qu’ils lui donnent un Oscar, à celle-là !) et les Tapas (ça me fout des aigreurs).
Rien que d’imaginer ma petite Rose rouler des R en parlant me file une migraine épouvantable.
Je ne veux pas déménager, je veux continuer à regarder mon « Amour, gloire et beauté » en paix. Comment imaginer la vie sans mon Elle du samedi (je préférais quand il paraissait le lundi, ça donnait un but pour commencer la semaine), mes escapades chez Ladurée, les soldes Presse (j’ai mis des années à obtenir ces petits passe-droit)...
Hugo me fait miroiter le beau temps, la hausse de salaire et l’apprentissage d’une seconde langue pour les enfants.
De guerre lasse, j’ai fini par lui balancer que si Madrid lui tenait tant à cœur, il n’y avait qu’à s’y installer tout seul.
Et voilà la seule réponse que ce goujat a dégainée comme une arme de destruction massive :
- Si au moins t’avais un travail qui te retenait, des responsabilités, une carrière, je pourrais comprendre.
Dites-moi que j’hallucine, dites-moi que ce n’est pas possible d’entendre un truc pareil après plus de dix ans de mariage, des milliers de couches changées, des centaines de bains donnés, de repas préparés, de paroles réconfortantes dispensées. Non seulement nous n’irons  pas en Espagne, mais Hugo devra me présenter ses plus plates excuses. Basta la comédia.
Il veut que je travaille, que je lui donne une raison valable pour ne pas partir, je lui réserve un chien de ma chienne.
Une situation comme celle-ci exige un plan d’attaque digne de ce nom. Il me faut les conseils avisés d’une guerrière de première et, dans ce domaine, une personne détient la palme : ma mère.
Ni une ni deux, je décroche le téléphone. Peu importe le décalage horaire et le jour qui doit à peine se lever sur les cocotiers, maman va m’aider.
Rien ne peut lui faire plus plaisir que je ne l’appelle afin de lui exposer mes problèmes conjugaux. Elle me laisse parler, ou plutôt déverser mon aigreur, et me promet de me rappeler sous une demi-heure. Juste le temps de débarrasser le lave-vaisselle, étendre le linge et faire repartir une machine. Bien entendu, ce que je viens d’énumérer ne constitue en rien un travail, juste une distraction entre deux séances de shopping !
Ma mère n’ayant aucune notion de l’heure, ou d’un quelconque planning à respecter, finit par composer mon numéro en début de soirée.
J’ai préparé un velouté de potiron et châtaigne rehaussé d’une pointe de crème. C’est un délice, mais mes enfants tirent la gueule.
- On a déjà mangé des légumes à la cantine, même que les haricots verts, là-bas,  ils sont délicieux.
Allegra se bouche le nez en mangeant, on dirait qu’elle avale de la merde. Alors quand ma mère m’annonce, après avoir consulté ses nombreux coachs, sa manucure et sa coiffeuse, qu’une seule solution s’impose : trouver du travail, le potiron me monte au cerveau.
Même si je sais qu’elle a raison, qu’il n’y a certainement pas d’autre alternative, j’espérais une solution miracle. Un truc à l’américaine, quoi.
Saluons néanmoins l’esprit d’initiative et les relations de ma chère maman. En quelques heures, elle a réussi à me dégotter un job.
- Ma chérie, le frère de mon amie Jeannette, tu sais, celle dont le fils est gay et qui s’est marié avec une femme. Et la meilleure, ils parlent de faire un gosse. Ma coiffeuse la connaît, c’est pas la première fois qu’elle fricote avec un homo.
- Maman, je t’en prie, je dois coucher les enfants. Viens-en au fait.
- Bon, eh bien, Jean-Louis Atlan, le frère de Jeannette, a une entreprise de relations publiques en Suisse et il est d’accord pour te prendre en tant qu’hôtesse, ce week-end, pour le Salon de l’Auto à Genève. Appelle-le, il va tout t’expliquer.
- Non, mais maman, j’ai ni l’âge, ni la carrosserie pour m’allonger et montrer mes seins sur une bagnole.
- Tu arrêtes tes simagrées et tu fais ce qu’on te dit de faire. Ah oui ! J’ai dit que tu parlais couramment l’anglais, l’allemand et le russe.
- T’es dingue ! J’ai pas fait de russe depuis la terminale !
- Ça tombe bien, la langue n’a pas changé. Attention, tu ne me fais pas honte ! Ton beau-père joue au golf avec eux, c’est une famille très connue à Miami.
Elle a raison, il est plus que temps de me prendre en main.
Hugo tombe de haut lorsque je lui annonce que je l’ai pris au mot et que j’ai trouvé du travail.
- T’as même pas rédigé un CV et t’as déjà un boulot. C’est quoi, cette arnaque ?
- Pas besoin de lettre de motivation à la con quand on a des relations, qu’est-ce que tu crois ? Je t’ai préparé une petite liste de trucs à faire pour ce week-end. N’oublie pas la compétition de Tækwondo de Julian samedi après-midi. Sa tenue n’est pas tout à fait sèche, tu mettras un coup de fer.
Et hop, je ne lui ai même pas demandé de m’accompagner à l’aéroport. J’ai sauté dans la navette, ma valisette sous le bras, comme la femme indépendante que je suis.
Le Salon de l’Auto à Genève est une machine à broyer n’importe quel être humain normalement constitué. Des heures à sourire pour un constructeur automobile que je n’ai même pas le droit de citer. Des talons de dix centimètres et un mal de dos assuré pour trois semaines, des « bienvenue » en anglais, en russe et en allemand, et des regards lubriques sur mon décolleté. Ce salon aura été une horreur, mais l’occasion aussi de rencontrer une équipe d’hôtesses toutes plus sympas les unes que les autres. Comble du comble, je ne suis même pas la plus vieille, ni la plus grosse.
C’est un véritable plaisir que d’écouter les doléances des enfants à mon retour. Papa n’a pas assuré une cacahuète. Julian est arrivé avec un quart d’heure de retard à sa compèt’, le portable de papa a sonné en plein milieu et il a répondu en parlant hyper fort !!!
Quant aux filles, il a eu l’audace de les laisser en jogging tout le week-end. Elles ne  lui pardonneront peut-être jamais.
Un coup de fil à Jean Louis et voilà mon planning rempli pour tout le mois. Cette fois-ci, il s’agit de faire tester une crème Suisse dans les rayons d’un grand magasin parisien. Coup du bol monstrueux, c’est au Printemps Opéra que ça se passe. Semaine de folie où, je vous le précise en passant, j’ai dépensé toute ma paye dans les stands des concurrents. Coincée entre Dior, Clarins et Chanel, je ne savais plus où donner de la tête.
Je termine si tard qu’on a dû embaucher une baby-sitter en urgence pour s’occuper d’aller chercher les enfants à l’école. J’ai dit à l’agence d’envoyer la facture directement au bureau de mon mari. Au prix où on la paye, elle n’est même pas capable de faire à manger.
Je me contente du minimum syndical pour les enfants, saucisses, pâtes : ils m’adorent. Plus personne pour leur prendre la tête pour les devoirs, la douche en trois minutes chrono, leur chambre transformée en poubelle.
- Dis maman, pourquoi tu ne travaillais pas avant ?
C’est fou comme on grignote, dans ces grands magasins. On mange des bonbons, des macarons, on boit du thé, c’est pas la mine.
Du coup, je me contente d’une petite brique de soupe. Pauvre Hugo, le régime de la soupe à la tomate ne semble pas le satisfaire, il est miné.
Le dimanche suivant, je suis prête à porter l’estocade finale. Terminé le succulent repas de midi que mon mari affectionne par-dessus tout. Je daigne me lever à onze heures, en me plaignant d’un sérieux mal de jambes. Je ne vais d’ailleurs pas m’habiller de toute la journée, ni me coiffer, encore moins me maquiller.
- Tu comprends, chéri, toute la journée dans la cosmétique, c’est le monde de l’apparence. Ma journée de congé, je veux la passer cool, un peu comme toi.

Il n’aura pas fallu un mois pour que mon mari me supplie de mettre fin à ma carrière et retourner à ma vie de mère de famille. Je veux dire à mon travail de maman au foyer. Dorénavant, Hugo me verse même un salaire. Il a compris qu’un travail, en fait, j’en avais déjà un. Il ne s’en était tout simplement jamais rendu compte.

 

Commentaires

avatar GHARIANI MONGI
+1
 
 
Bravo!!!
un témoignage riche en symbole.
C'est vrai les économistes n'ont jamais compris que les taches d'une mère de famille est et restera un travail bien qu'il ne soit pas rémunéré
je suis émerveillé
merci
avatar Elisabeth
0
 
 
Génial, les hommes ils croient tous qu'on glande alors que c'est super dur de tous faire, la preuve, ils arrivent même pas à faire les courses avec une liste toute faite.
avatar Isabelle
0
 
 
C'est trop vrai; le boulot d'une mère de famille c'est méchamment épuisant!
avatar faz
0
 
 
si on se réparti les taches un peu plus équitablement, on peut bosser tous les deux, et être "mère de famille" tous les deux aussi.

Mais bon, moi je dis ça, ça veut pas dire qu'on y arrive parfaitement chez moi, hein :-)

@GHARIANI MONGI jette un oeil au boulot de Marylin Waring. L'économie, vu du côté des femmes.
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