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Ce soir, c’est the soirée à ne pas rater : les dix ans de l’agence de pub où bosse mon mari. Tout le staff est en transes et, côté look, il va falloir assurer. Mon amoureux ne travaille qu’entouré de secrétaires toutes plus affolées du cul les unes que les autres, et ce n’est pas moi qui le dis. Il y a aussi la standardiste Aurèle, une bombe sexuelle dont on me rebat les oreilles depuis des lustres. Entre un patron marié à un top model (qui a fini par devenir ma copine), des collaborateurs qui trompent leurs femmes à gogo et des clients en quête de grand frisson ; il est plus que temps de faire une apparition bien sentie.

L’invitation nous a été délivrée par coursier, là où il y a de la frime, il y a forcément du plaisir.

 

Les festivités doivent débuter par un dîner chez Georges, le restaurant du Centre Pompidou. Une adresse hype mais pas trop, une cuisine inventive mais pas gastronomique, bref, de quoi satisfaire l’annonceur et le faiseur de miracles. Ne croyez surtout pas que notre cher PDG ait eu, ne serait-ce qu’un seul instant, la moindre envie de faire plaisir à ses employés. Ce n’est qu’une énième opération de publicité, personne n’est dupe. En ces temps de crise, rien ne vaut une bonne couche de bonheur familial et une surcouche de positive attitude.

 

Après le dîner, rendez-vous est pris au « Panic Room », un nouveau bar boite privatisé pour l’occasion. Marc Lambron a lancé des invitations dans toutes les sphères branchées et il devrait y avoir du people à se mettre sous la dent.

 

Qui est-ce qui va frimer demain à la sortie de l’école ?

Je réfléchis à ma tenue depuis déjà quinze jours, j’ai retourné mon dressing pour l’occasion. Je compte porter une petite robe Maje très moulante et bien trop décolletée pour être honnête. A ma décharge, c’est Hugo qui me l’a offerte, pour fêter les kilos envolés de ma dernière grossesse.

 

Je n’ai jamais eu l’occasion de l’étrenner, il est bien loin le temps où je fréquentais les endroits branchés.

Les années filent à une vitesse hallucinante et je me revois encore faire la queue pour entrer au Queen. Je n’ai pourtant pas l’impression d’être si vieille.

 

Je n’ai jamais posé beaucoup de questions à mon mari mais je sais qu’autour de lui, la tentation est partout présente. Il se rend à des shootings où les mannequins se ramassent à la pelle, il rencontre des directrices de communication qui lui font les yeux doux, et moi, brave pomme, je prends sur moi. J’ai beau ne pas mettre en doute sa fidélité et l’amour qu’il porte à sa famille, je reste vigilante.

 

Oups, le réveil me rappelle qu’il est temps de motiver mes troupes, si on veut arriver avant que l’école ne ferme ses portes. Rien n’est plus humiliant que se retrouver à sonner et balancer une explication foireuse pour justifier son retard.

 

J’enfile mon vieux jogging tout élimé, un petit tour par la salle de bain et je serai d’attaque pour enquiller sur le supermarché après l’école.

Horreur et damnation, j’ai un furoncle sur la joue, c’est une catastrophe. Paniquée, je téléphone à Hugo sur son portable.

- Chéri, je suis défigurée. Je me suis chopé un énorme bouton. Comment je vais faire pour ce soir ? Attends, je le prends en photo et je te l’envoie.

Cinq minutes plus tard, mon mari me rappelle et m’achève en une phrase :

- C’est bon, tu ne vas pas te stresser pour un bouton à peine plus gros que ton grain de beauté. De toute façon, la nuit les gens ne feront pas la différence.

 

Vous en conviendrez, il y a quand même plus sympa que de s’entendre dire qu’un grain de beauté façon Cindy Crawford est assimilé à un gros bubon, et ce de la part de l’homme qu’on aime.

 

La journée passe trop vite pour que je me ravage le cerveau avec ce genre de mesquineries. A midi c’est mon tour de garde, je récupère les gamines de trois copines. Je vous laisse imaginer le chantier avec six enfants déchaînés à la maison. A peine entrées, les plus petites se débarrassent de leurs vêtements et vont fureter dans le sac de déguisements. Blanche Neige et Cendrillon vont se goinfrer de tarte au fromage et bouder la salade de fruits. Le temps de les raccompagner à l’école, de faire un semblant de rangement dans les chambres et de leur préparer un repas décent pour le soir, il est déjà l’heure d’aller les récupérer. Julian va au Taekwondo et ce soir il y a Maître Cheng, un nouvel instructeur. Autant dire que j’ai plutôt intérêt à rester. Je passe une heure à essayer de regarder mon fils et à contenir mes deux chipies qui n’entendent pas rester assises à ne rien faire. Je les menace de les inscrire si elles ne la mettent pas en veilleuse très rapidement. Il fait une chaleur de dingue, le gymnase est surchauffé, et moi je suis en  nage. C’est un comble de transpirer juste à regarder les autres faire de l’exercice.

 

Une maman me fait remarquer que je suis rouge pivoine.

La baby-sitter est enfin arrivée, il est vingt heures et j’ai juste le temps de me préparer. Hugo n’est même pas encore rentré. Tant mieux, ça va lui faire un choc de me voir dans ma petite robe noire. En parlant du loup, le voilà qui appelle. Il reste à l’agence, à moi de les rejoindre devant le restaurant... à vingt-deux heures trente.

 

- C’est une blague, moi à cette heure-là j’ai carrément plus faim (entendez par là, je vais pas attendre minuit pour manger).

- Chérie, c’est ça dans la pub, personne ne va jamais au premier service, c’est has been.

- C’est vrai, que je suis bête, la coke ne devient légale qu’à partir de vingt-deux heures. Tu me pardonnes, mon trésor ?

- Ne le prends pas mal. Tu nous rejoins et on essaye de passer une bonne soirée.

- Mais oui, je vais aller me garer seule au parking des Halles, t’as raison. Merci pour la galanterie.

Je lui raccroche au nez et suis à deux doigts de congédier la baby-sitter quand il m’envoie un SMS.

« Ce soir, je ne serai qu’avec toi, viens en taxi, c’est moi qui t’ouvrirai la porte. Ton mari qui t’aime. »

 

Eh oui, quand on travaille dans la pub, on a l’art de la phrase qui fait mouche, et le pire c’est que ça marche.

Un simple coup d’œil sur ma petite robe suffit à me remonter le moral. L’enfiler en pensant au regard de mon mari est un instant divin. Passons maintenant à l’opération maquillage et il y a du boulot. Quelle n’est pas ma surprise de constater dans le miroir que mon bouton du matin n’est que l’égaré d’un cheptel qui s’est propagé sur tout mon décolleté.  De vilaines plaques rouges sang me montent jusqu’au cou. Je dois faire une allergie, c’est bien ma chance.  Un changement de stratégie s’impose, je ne vais pas me laisser miner par cette contrariété.

 

En trois minutes, je décide d’adopter le look working girl, de toute façon, je ne comptais pas faire des folies sur la piste de danse.

Un col roulé noir (je n’ai trouvé que ça pour cacher le désastre), une jupe crayon moulante et des escarpins vertigineux : je suis prête pour apporter le café.

 

J’égaie ma tenue par un sautoir géant en perles, la Jacky Kennedy’s touch ou je ne m’y connais pas. L’œil charbonneux à souhait, le furoncle plâtré, je suis prête à sauter dans mon taxi.

 

Chose promise, Hugo m’attend et nous entrons, enlacés, dans l’ascenseur privatif qui nous emmène vers l’une des plus belles vues de Paris.

 

Première désillusion, l’hôtesse qui nous débarrasse de nos manteaux a le culot de taper la bise à mon mari.

- Chérie, ne me regarde pas avec des yeux ronds, c’est une ancienne stagiaire de l’agence. On ne l’a pas gardé, elle était trop bête.

Esmeralda m’adresse un clin d’œil qui en dit long. Heureusement que j’ai une alliée dans la place. Nous sommes assises à côté, impossible d’en placer une, tant le bruit est assourdissant. Mais quel plaisir peut-on bien trouver à manger dans une ambiance pareille ?

Il est onze heures passé quand mon « Tigre qui Pleure » arrive sur la table. Derrière cette appellation exotique se cache un misérable steak de bœuf mariné aux épices. Ça ne casse pas trois pattes à un canard et je n’arrive même pas à faire semblant de me régaler.

 

Aucune des filles ne mange. Le problème, c’est que je suis sûre qu’elles ne se sont pas goinfrées en douce comme moi avant de venir.

Esmeralda me montre des photos de son bébé, ce qui a l’air d’agacer prodigieusement son PDG de mari.

 

Il n’y a personne pour commettre la faute de commander un dessert, pas plus que pour toucher aux mignardises qui accompagnent le café. J’en pleurerai quand je vois la serveuse remporter le tout en cuisine.

Sans avoir l’air rabat-joie, je rentrerais bien chez moi. Mais the show must go on et Hugo est un maillon important de tout ce cirque.

Le « Panic Room » est le nouvel endroit dont tout le monde parle, au moins j’aurai un truc à raconter. Il me semble reconnaître plein de petites nanas de Canal Plus, entre la miss météo et la fille de la mode, je ne sais plus où donner de la tête.

 

Encore une fois, oublions l’idée d’amorcer la moindre conversation, on n’est pas en boite pour discuter.

 

Hugo me plante à une table et s’en va faire son VRP de base. Je suis furax. Deux secrétaires me regardent en gloussant. L’une d’elle a carrément les seins à l’air, c’est pathétique.

 

C’est alors que la musique devient carrément géniale. Je tape du pied sous la table. Un petit groupe se met à danser, j’en crève de les rejoindre mais je n’ose pas. Mais quand résonnent les premiers accords de ma chanson préférée, je me dis que ce n’est pas demain la veille que je vais retourner m’éclater en club. Je me lance, et que ceux qui ne veulent pas s’amuser regardent ailleurs ou se concentrent sur leur rail de coke.

 

Ce soir, ma came, c’est la musique, je vais en profiter.

Les tubes s’enchaînent et moi je me déchaîne. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’ai une foule de prétendants qui se trémoussent autour de moi. Prenez-en de la graine, les midinettes, c’est la vieille en col roulé qui attire tous les regards. Dans cet endroit où toutes les filles sont à moitié à poil, être couverte jusqu’aux yeux fait justement toute la différence. Qui l’eut cru ?

Quand le plus beau mec de la boite se colle à moi, je sens que la tension monte d’un cran. Ah ça c’est sur, les secrétaires ne rigolent plus du tout !

 

N’oubliez jamais, mesdames, que Sharon Stone avait trente-trois ans pour la sortie de Basic Instinct et plus de quarante au sommet de sa gloire. C’est la plénitude qui rend belle.

 

Ce soir, toute la jeunesse du monde ne m’arrive pas à la cheville, et même s’il n’y a que moi pour le penser, grand bien me fasse.

Je danse pour danser, je n’ai personne à impressionner et c’est ce qui me rend invulnérable. J’ai perdu la notion du temps, l’ivresse d’un moment qui ne se reproduira peut-être jamais.

 

Quand Hugo me tire par le bras pour me signifier qu’il est temps de prendre congé, j’ai l’impression d’être ma fille, quand je lui demande d’éteindre la télé. J’implore pour dix minutes de plus et il me les accorde en tirant la gueule.

 

Sur le pas de la porte du domicile familial, Hugo me lance un...

- Je ne sais pas si j’ai plus envie de te claquer ou de te sauter.

Là réside tout le paradoxe de l’homme.

 

 

Commentaires

avatar PATRICKB
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LA SUITE DE BASIC INSTINCT A LA SAUCE PUB.
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