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Tout le Monde veut être une Star mais Personne veut être une Planète ! Envoyer
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Au rayon des bonne résolutions, avouez que se mettre au boulot se révèle être le must du must.
Et lorsqu’en prime on reçoit des encouragements du style : « Mais qu’est-ce que tu vas bosser alors que j’ai les moyens de faire vivre notre famille ? », ou encore plus gratifiant : « Avec ce que tu vas gagner, cela ne couvrira même pas les frais de garde des enfants ! », alors là c’est carrément kamikaze.
Mais moi, les défis, ça me connaît. N’oubliez jamais que j’ai été capable d’aller jusqu’à prétendre être une pro de la pâtisserie pour apprendre la technique des macarons auprès d’un maestro comme Pierre Hermé.
Il se trouve qu’aujourd’hui, le monde du luxe et de la mode me tend les bras. Pourquoi refuser une telle opportunité ?
Allez, à vous je ne vais pas mentir, il s’agit juste d’un remplacement en tant que vendeuse, mais l’espace est si mince entre la vendeuse et la responsable de boutique !
Et si la passerelle entre la responsable boutique et la directrice réseau pouvait se traverser en escarpins Jimmy Choo, je ne manquerai pas de l’emprunter ! C’est vrai qu’avant même de commencer j’ai tendance à me voir calife à la place du calife mais viser haut m’a toujours porté chance.
Avant de me rencontrer, mon mari sortait tout juste d’une relation de deux ans avec une apprentie top model italienne. Mais non, qu’allez-vous donc penser ? Elle ne s’est pas recasée depuis avec un politicien.  
Cela aurait pu me saper le moral, me complexer jusqu’à la fin des temps. Que nenni, le contraire s’est même produit et l’épreuve du maillot de bain n’en a été que plus jubilatoire. Et pour finir, c’est bien moi qui ai coiffé la traine de mariée et pondu les trois héritiers.
Alors se remettre au boulot, à côté de ça, c’est pas la mer à boire.
L’enseigne qui va bénéficier de mes services a les faveurs des people les plus en vue et ne connaît pas encore la crise. N’empêche que, surfant sur la nouvelle loi selon laquelle on peut organiser des soldes hors période de soldes, elle est une des premières à s’engouffrer dans ce nouveau créneau.  
Et voilà comment on se retrouve au coeur des préparatifs d’un évènement que les modeuses de la place de Paris vont sanctifier pendant une semaine. On m’a demandé de me présenter à neuf heures trente, soit une bonne heure avant l’ouverture de la boutique. Ma responsable répond au doux nom de Bérénice et se chargera de me dispenser une formation maison en un temps record.
Vous dévoiler ou pas le nom de l’auguste enseigne, telle est la question ? Sachez seulement que ce temple de la fashion se trouve dans le VIème arrondissement et que je risque fort bien de dépenser ma paye si je veux aller déjeuner au café de Flore qui se trouve à deux pas.
Bon, il ne s’agit pas tout de suite de me prendre pour une cliente, mais espérons que j’aurai droit à une réduction en béton sur la nouvelle collection.
Neuf heures trente tapantes : j’ai déjà derrière moi plusieurs heures de préparation et d’essayages en tout genre. Je suis passée du chignon à la Super Nanny à la queue de cheval, cheveux tirés en arrière, pour finir par revenir à ma coiffure habituelle. J’ai essayé un nouveau make up paupières roses qui me faisait ressembler à un lapin russe et  saboté trois couches de mascara en éternuant.
Une seule consigne m’a été demandée : porter un pantalon noir et bien coupé. Mince alors, moi qui croyais pouvoir inaugurer mon sarouel des grandes occasions. Je rigole mais ce n’est pas marrant, même si ça pourrait s’écrire avec un seul r !
Toute ma petite tribu m’a souhaité bonne chance et mon mari m’emmène au restau ce soir pour fêter ma première journée.
C’est Bérénice qui vient m’ouvrir la porte et qui me tend deux euros en me demandant de bien vouloir lui rapporter un café car elle est complètement down. Bonjour l’accueil, je crois que dans le genre on ne peut pas faire pire. Ma mission accomplie,  je commets l’erreur de lui tendre un sachet de sucre.
- Jamais de sucre, darling, ou je ne rentrerai pas une cuisse dans les prototypes de la saison prochaine.
Force est de constater qu’à côté de Bérénice, j’ai l’air d’un cachalot échoué dans le port de Saint-Tropez. Elle porte une de ces affreuses chemises bûcheron furieusement tendance cette saison et des boots à talons tellement hauts que même avec mon mètre soixante-dix, j’ai l’air d’une naine.  Décidemment, ma responsable aime à expédier les petites mains faire ses courses perso. Me voici de corvée de pressing et tabac. Il n’y a pas de miracle. Pour peser 49kgs, il faut s’envoyer deux paquets de clopes par jour.
A mon retour, les choses se corsent. Avant de me frotter à la clientèle, je vais commencer par récurer la réserve et étiqueter l’ancienne collection qui va remonter pour les soldes. Bérénice me tend une blouse et une charlotte, c’est pire que dans l’agroalimentaire. Je commence par tout un rayon pantalon dont les modèles vont passer à cinquante euros. Youpi, il y a ma taille. En moins de vingt minutes, j’ai déjà mis de côté plus de six pièces. Pas la peine d’ouvrir pour les soldes si les ventes se font déjà dans la réserve !
N’ayant pas de montre, mon portable étant resté dans mon sac au vestiaire, je perds toute notion du temps. La valse des étiquettes m’entraîne et je me laisse emporter dans ce tourbillon de fringues à prix sacrifiés. C’est une vendeuse qui vient m’extirper de mon souterrain. Elle regarde autour d’elle et court chercher la responsable en poussant des petits cris stridents.
Bérénice est navrée de m’avoir oubliée car il est quinze heures et je ne suis pas allée déjeuner. C’est fou comme le temps passe vite quand on s’amuse. Bien entendu, je me garde bien de lui dire et je prends un malin plaisir à jouer les malheureuses victimes. Je crois que Bérénice est époustouflée par la somme de travail que j’ai abattue en un temps record. Là haut, elles doivent s’y mettre à deux pour plier un pull !
J’ai bien mérité d’aller prendre une pause.

« Il y a une petite épicerie au coin de la rue si tu veux aller t’acheter une pomme. »
Elle débloque, ou quoi ? Sur le chemin du pressing, j’ai repéré une boulangerie dont la devanture m’a fait saliver.
J’avais raison, le sandwich quatre fromages est tout simplement divin. J’enquillerai bien sur une lunette à la framboise (plus maison, tu meurs) mais j’ai l’impression que les calories vont s’afficher dans mon regard, tel le jackpot sur la machine à sous. Je réintègre le temple de la maigreur en priant pour être à nouveau affectée au sous sol. Ce travail répétitif est loin de me déranger. Effectuer un geste mécanique m’occupe physiquement et permet à mon cerveau de s’évader loin, très loin. Je dois faire partie de ces gens qui pourraient travailler en usine, à condition de pouvoir dormir dans un quatre étoiles en rentrant à la maison. Je sais, il y a comme une contradiction dans l’air !
Les bonnes choses ne durent qu’un temps et me voici catapultée à l’étage des riches and famous. La formation va pouvoir commencer.
Chez notre créatrice, le pliage doit se faire dans les règles et je vais passer une bonne heure à m’entraîner sur des vestes. Il y a plusieurs étapes à respecter et, comme dirait cette chère Bérénice : « On ne plie pas une veste comme on fourgue une baguette. »
N’allez pas chercher le véritable sens de cette expression, je crois qu’il n’y en a pas.
Etape numéro un pour un pliage réussi : glisser vos blanches mimines dans les épaules de la veste et rabattre la doublure. Puis sortir le col et juxtaposer les deux faces du vêtement. Franchement c’est limite niveau Rubixcub !
 Etape numéro deux : poser sur une surface plane, vérifier les manches et plier en deux. Enfin, glisser dans un papier de soie puis dans un sac. Remettre le tout à la cliente en la remerciant et la raccompagner jusqu’à la porte. Ouf la leçon est à peu près la même, qu’il s’agisse d’une jupe ou d’un manteau. Bérénice me conseille de m’entraîner ce soir avec les fringues de mon dressing. Elle a raison, si je veux bientôt passer mon doctorat es pliage, il va falloir que je bosse sérieusement !
Un peu d’action enfin. Une cliente est en train de s’énerver tout rouge. Telle la bonne commère que je suis, je m’approche d’un peu plus près, histoire de ne pas en rater une miette. Il s’agit d’un pull en cachemire à deux cent quatre-vingt-dix euros qui bouloche au deuxième lavage, ce qui n’est pas tolérable pour un article de ce prix. La vendeuse cherche Bérénice du coin de l’œil afin que celle-ci vienne la sortir de ce mauvais pas.
Et là, il faut l’avoir entendu pour y croire.
- Madame, sachez qu’un cachemire de cette qualité se doit d’être entretenu avec le matériel adéquat. Il vous faut impérativement un rasoir électrique que vous trouverez en mercerie. Vous rasez le pull, puis dans un sac au congel pendant une heure, et vous secouez vigoureusement. Votre article sera comme neuf.
La cliente repart satisfaite et s’offre même une écharpe pour fêter la renaissance prochaine de son pull. Moi, à deux cent quatre-vingt-dix euros, je lui fais bouffer, son pull, à la grande gigue. Et qu’elle n’essaye pas de me fourguer une écharpe en prime !
La journée s’achève sur une multitude de conseils en tout genre. Toujours référer à sa responsable, procéder aux encaissements avec la directrice de caisse, monter du réassort après accord de la chef de rayon ; en gros, ne jamais rien faire de sa propre initiative.
Ce qu’il y a de bien dans ce genre de boutique, c’est que l’on vous trouve toujours un titre qui fait classe et qui contrebalance votre paye minable.
Ainsi, au bout de huit heures et grâce à des compétences quasi mondialement reconnues, me voici propulsée chef des invendus de la réserve. Si ce n’est pas de la promotion sociale, ça !
La suite au prochain numéro.




 

Commentaires

avatar Isatroll
+1
 
 
La suite, la suite!!!
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